Un bloc notes créé en janvier 2006 à vocation d'abord personnelle. Si cela en intéresse d'autres tant mieux sinon... tant pis !

mardi 9 août 2011

n° 736 : Les lettres de cachet


Les lettres de cachet +++I (n° 14 990)

Le 22 juillet 2011, j'ai fini de lire le livre de Claude QUéTEL, Les lettres de cachet, Perrin, 2011.

Ce que j'ai aimé :

1°) C'est un livre passionnant à propos de la police et de la justice en France, et en particulier à Paris, aux XVIIe et XVIIIe siècles.

2°) L'ouvrage présente un tableau très complet des conditions de vie dans les prisons. J'ai été surpris d'apprendre à quel point de nombreux ordres monastiques s'étaient reconvertis en lieu de détention.

3°) L'auteur insiste sur l'idée que la légende noire des lettres de cachet est très exagérée. Elle était un moyen pour la Justice de pouvoir se saisir d'une personne par ordre du roi alors qu'autrement -si la personne n'était pas arrêtée au moment des faits- il était difficile d'enfermer une personne avant la décision de Justice... Les temps ont bien changé !

4°) Le livre montre qu'une grande partie des lettres de cachet (délivrées uniquement par le roi ou en son nom) sont demandées par des familles qui veulent mettre à l'écart un membre qui pose problème (cela peut aller du risque de mésalliance au cas dans lesquels la personne concernée est un véritable fou furieux).

5°) Je ne savais pas que la petite place située à l'angle entre la rue Saint-Antoine et la rue des Tournelles, donc juste à côté de la Bastille, était un lieu d'exécution. Par exemple, le chevalier de Rohan qui avait fomenté un coup d'Etat contre Louis XIV y a été éxécuté.

6°) J'ai été surpris d'apprendre que "l'aimable Régence" du duc d'Orléans et la période de gouvernement par le cardinal de Fleury avaient été l'époque où les lettres de cachet ont battu leur record. Cela est dû notamment à la volonté de lutter contre le Jansénisme dans le clergé (notamment parisien) et les scandales financiers qui ont marqué cette époque.

7°) Page 41, on apprend combien il y avait de prisonniers à la Bastille et qui ils étaient lorsqu'ils ont été libérés le 14 juillet 1789. Quatre avaient été condamnés par les tribunaux pour malversation (ils ont disparu dans la nature), deux étaient "tout à fait fous" et le dernier était un "correctionnaire" enfermé à la demande de sa famille (pour une histoire d'inceste avec sa soeur). Les deux fous, après avoir été promenés en triomphe dans tout Paris... avant d'être enfermés "discrètement à Charenton" dès le soir même....

8°) Il y a des passages très intéressants à propos des Lieutenants généraux de Paris, notamment de Sartine, un personnage bien connu des aventures de Nicolas Le Floch. L'arrestation du baron d'Holbach (Page 55) ferait une belle page de roman en raison de la politesse extrême de M. de Sartine.

9°) J'avais un peu oublié le nom des tours de la Bastille : tour de la Bertaudière, tour de la Bazinière, tour de la Comté, tour du Trésor, tour de la Chapelle , tour du Coin et tour du Puits.

10°) En 1784, l'architecte Corbet avait proposé à Louis XVI la création d'une place à l'emplacement de la Bastille. Le piédestale devait être fait grâce à la fonte des verrous et des chaînes de la prison d'Etat !

11°) Au début de l'année 1791, l'Assemblée Nationale a eu l'idée de rétablir les prisons d'Etat. Le peuple a très mal réagi et a saccagé le donjon de Vincennes le 28 février 1791.

12°) On aimerait beaucoup retrouvé l'ouvrage de Dubourg, Le mandarin chinois, chronique scandaleuse des monarques d'Europe. L'auteur, de son vrai nom Victor de la Cassagne est celui qui est reprsenté en cire dans une cage de fer au milieu des rats au Mont Saint-Michel. Il a été arrêté en 1745.

13°) Je ne savais pas à quel point les lieutenants de police luttaient contre le saphisme. Par exemple, cela est évoqué page 132.

14°) Page 167, on trouve une liste des Lieutenants généréux de Police de Paris de 1667 à 1789.

15°) Je ne savais pas que rue du Figuier, on trouvait une maison close. L'auteur cite un procès verbal de 1765 dans lequel un chanoine régulier, "procureur de la maison Sainte Catherine" reconnaît s'être retrouvé "chez la Saint-Louis, rue du Figuier, chez laquelle je suis venu de mon propre mouvement, hier, pour m'amusr avec la Félix, que j'ai fait déshabiller et que j'ai touchée avec la main enveloppée dans le bout de mon manteau..." (Oh le gros dégueulasse !!) Page 170

16°) A propos des femmes, cette citation tirée d'un acte de Justice : "On ne saurait avoir trop de bonnes façons pour une femme, mais on doit lui en imposer quand c'est nécessaire". (page 217).

17°) Dans le chapitre 12, l'auteur montre que la thèse de Michel FOUCAULT sur le grand Renfermement à propos de l'édit de 1656 est une énorme absurdité puisqu'il n'a jamais été pris contre les fous mais que c'est un texte inspiré par un mouvement de charité de la compagnie du Saint-Sacrement, une politique en faveur des mendiants qui n'a RIEN de nouveau !

18°) Sous Louis XVI, le recours à l'arbitraire devient de plus en plus rare. En 1784, une circulaire du marque de Breteuil oblige à prévoir une échéance à l'enfermement. La formule "jusqu'à nouvel ordre" disparaît de la lettre de cachet.

Ce que j'ai moins aimé :

1°) Je n'ai pas mis la note maximale car il y a quelques erreurs regretables dans un ouvrage de cette qualité... Faute d'inattention ou faute de frappe ? Quelques exemples :
- page 77, l'auteur parle du 28 février 1791. "Le peuple ne veut plus entendre parler de prisons d'Etat. Il est vrai qu'il a la guillotine...". Or, la première exécution au moyen de la guillotine a eu lieu le 25 avril 1792 en place de grève à Paris.
- page 80 : il parle du marquis de Sade. "l'Empire l'enferme à cause de son oeuvre. Il est transféré en 1803 à Charenton où il restera jusqu'à sa mort". Comme Napoléon n'est devenu empereur qu'en 1804, il aurait fallu mettre consulat à la place d'Empire.
- page 123 : Paris : 300 à 400 000 habitants sous le règne de Louis XVI, 650 000 à la fin du XVIIe siècle... Il doit en fait s'agir  de Louis XIV dans la 1ère partie de la phrase et du XVIIIe dans la 2e partie !
- page 124 : on nous parle d'un édit de François Ier, en 1563. Comme François Iet est mort en 1547, il y a une erreur soit soit la date, soit sur le nom du roi.

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